Eaux souterraines
22 mai 2025

Niveau des nappes phréatiques : ce qu’il faut savoir en France

En France comme ailleurs, les nappes phréatiques sont des réserves invisibles mais essentielles.

Les nappes phréatiques assurent une grande partie de notre approvisionnement en eau, irriguent nos cultures, soutiennent les cours d’eau en période sèche, et participent à l’équilibre des écosystèmes.

Pourtant, elles sont aussi vulnérables aux aléas climatiques, à la surexploitation et à la pollution. À l’heure où les épisodes de sécheresse se multiplient et où les événements météorologiques extrêmes se succèdent, il devient crucial de comprendre le fonctionnement des nappes, leur état actuel, et les moyens de mieux les gérer.

Ce dossier fait le point sur les connaissances à avoir pour appréhender leur rôle, leur évolution et les défis qu’elles soulèvent.

Définition : qu'est-ce qu'une nappe phréatique ?

Une nappe phréatique est une réserve naturelle d'eau douce située sous la surface du sol, dans la zone où les interstices du sous-sol (roches, graviers, sables) sont saturés d'eau. Elle se forme grâce à l'infiltration progressive des eaux de pluie ou de ruissellement à travers les couches perméables du sol. Ce processus est lent et dépend de plusieurs facteurs : la porosité du sol, la végétation, la pente du terrain, et bien sûr, la fréquence et l'intensité des précipitations.

Lorsque l'eau s'accumule dans ces couches perméables, nous pouvons parler de "nappe libre". Le niveau peut fluctuer naturellement selon les saisons : il monte en période humide (automne-hiver) et baisse en période sèche (printemps-été), notamment en cas de prélèvements importants pour l'irrigation ou la consommation humaine.

Les nappes phréatiques sont souvent accessibles par des puits ou des forages, ce qui en fait une source essentielle pour l'approvisionnement en eau potable, en particulier dans les zones rurales.

Différences entre nappes phréatiques et nappes aquifères

Il est fréquent de confondre nappe phréatique et nappe aquifère, car les deux termes désignent des réalités proches, mais qui méritent d’être distinguées. Une nappe aquifère est un réservoir souterrain d’eau contenu dans une couche géologique perméable, comme le sable ou le gravier. Elle peut se trouver à différentes profondeurs et être de deux types : libre ou captive.

La nappe phréatique, quant à elle, est un type particulier de nappe aquifère : c’est la plus proche de la surface du sol. D’où le terme de "nappe libre", car elle n’est pas enfermée entre deux couches imperméables. Son niveau varie directement en fonction des précipitations et de l’évaporation. Elle est particulièrement vulnérable aux pollutions diffuses, comme les nitrates ou les pesticides issus de l’agriculture ou des eaux de ruissellement urbaines.

À l’inverse, une nappe captive ou confinée est emprisonnée entre deux couches de roche imperméable. Elle est protégée des pollutions superficielles mais nécessite un forage plus profond pour être exploitée. Sa recharge est généralement plus lente, car elle dépend d’infiltrations sur des zones parfois éloignées du lieu de captage.

Comprendre ces distinctions est essentiel pour adapter les techniques de surveillance de l’eau et des réseaux, de prélèvement et de protection des ressources. La gestion durable d’une nappe phréatique demande donc une attention particulière à son environnement immédiat, tandis que l’exploitation d’une nappe captive impose de prendre en compte les temps de renouvellement beaucoup plus longs.

En résumé, le terme "nappe aquifère" désigne génériquement tout réservoir souterrain d'eau. La nappe phréatique est une forme particulière d'aquifère, non confinée, dont la surface supérieure est libre et directement influencée par les précipitations. À l'inverse, une nappe captive est isolée par des couches imperméables.

Schéma nappes

Quelle est la situation et le niveau des nappes phréatiques en France en 2025 ?

En 2025, le niveau des nappes phréatiques en France offre un panorama contrasté. Selon les données du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et les observations du réseau Info-Sécheresse, certaines régions bénéficient d'un retour à des niveaux proches ou supérieurs aux normales saisonnières, tandis que d'autres restent fortement déficitaires.

Cette hétérogénéité s'explique par des différences de pluviométrie, de géologie, de couvert végétal, mais aussi par la pression exercée sur la ressource par les activités humaines. En moyenne, les nappes ont mieux résisté à l'hiver 2024-2025 que les années précédentes, grâce à un automne très arrosé.

2025 : Les récentes pluies et inondations ont-elles permis de remplir les nappes phréatiques ?

Les pluies abondantes de l'automne et de l'hiver 2024-2025 ont généré un rechargement parfois rapide et efficace des nappes dans certaines zones. C'est notamment le cas dans le bassin de la Loire, le centre-ouest et le nord du pays, où les sols perméables ont permis une bonne infiltration.

Cependant, cette recharge n'est ni uniforme, ni systématique. Les fortes intensités de pluie ont souvent provoqué un ruissellement massif, limitant l'infiltration en profondeur. Dans les zones urbanisées ou à sols saturés, les eaux ont surtout alimenté les rivières et les zones d'accumulation, sans pénétrer les couches aquifères.

Ainsi, plusieurs nappes dans le sud-est, le sud-ouest et le pourtour méditerranéen n'ont pas vu leur niveau significativement remonter.

Pluies et inondations

Quels sont les départements où les nappes phréatiques sont pleines, où les niveaux sont les plus hauts ?

En avril 2025, les départements où les nappes affichent des niveaux très favorables sont principalement situés dans l'ouest et le centre de la France. On retrouve notamment :

  • Le Loir-et-Cher et l'Eure-et-Loir, bénéficiant de bons apports réguliers et d'une recharge naturelle facilitée par les formations calcaires perméables ;
  • La Charente et la Vienne, où les nappes de craie et de calcaire ont bien absorbé les pluies ;
  • La Gironde, grâce à un hiver plus humide que la moyenne ;
  • Le Calvados, la Manche et l'Ille-et-Vilaine, qui affichent des niveaux importants.

En revanche, les nappes restent très basses dans les départements du Var, de l'Hérault, des Pyrénées-Orientales ou encore dans certaines zones de l'Ardèche et de la Drôme. Ces territoires cumulent une forte consommation, une recharge difficile et des épisodes de pluie trop courts ou trop intenses pour être efficaces.

Les cartes interactives publiées par le BRGM ou Info-Sécheresse permettent de suivre en temps réel ces niveaux et leurs variations. Elles sont un outil précieux pour les gestionnaires de réseaux d'eau et les collectivités.

Quels liens entre pluviométrie et nappes phréatiques ?

Le lien entre précipitations et niveau des nappes est direct mais complexe. L'eau de pluie constitue la principale source de recharge des nappes phréatiques. Toutefois, pour que cette recharge soit efficace, encore faut-il que l’eau ait le temps de s’infiltrer dans le sol.

Plusieurs facteurs influencent cette infiltration :

  • La nature du sol : un sol sablonneux ou limoneux favorise l’absorption, alors qu’un sol argileux ou compact limite l’infiltration et favorise le ruissellement ;
  • La couverture végétale : les zones boisées ou herbacées freinent le ruissellement et améliorent l’infiltration ;
  • L’intensité des précipitations : des pluies régulières et modérées sont plus bénéfiques qu’un épisode orageux intense qui s’écoule en surface sans pénétrer les couches profondes ;
  • L’état initial du sol : un sol déjà saturé d’eau ou trop sec peut réduire l’efficacité de l’infiltration.
Pluies et crues

Ainsi, un hiver pluvieux ne garantit pas automatiquement une recharge optimale si l’eau ruisselle ou s’évapore rapidement. De plus, les nappes réagissent avec un certain décalage : le niveau monte parfois plusieurs semaines après les pluies, selon la profondeur et la perméabilité du sol.

Ce lien délicat entre pluviométrie et reconstitution des nappes est au cœur des modèles hydrogéologiques utilisés par les institutions comme le BRGM, afin de mieux prévoir les périodes à risque et d’ajuster les mesures de gestion.

Le rôle des zones de captage, des milieux humides et de la gestion des sols agricoles est donc crucial pour favoriser la recharge naturelle.

Comment gérer les nappes phréatiques pour les réseaux d'eau collectifs ?

La gestion durable des nappes phréatiques est aujourd’hui un enjeu central pour les collectivités, les opérateurs de réseaux et les territoires confrontés aux défis climatiques. En période de sécheresse comme lors d’événements pluvieux extrêmes, les nappes souterraines constituent une ressource précieuse qu’il faut exploiter sans l’épuiser, protéger sans la figer.

Cette gestion repose sur trois grands objectifs : assurer l’approvisionnement en eau pour les usages humains, éviter les tensions liées à la sécheresse, et prévenir les risques liés à la saturation des nappes, notamment les inondations.

innondation
  • Gérer l’eau pour l’usage humain : les nappes phréatiques représentent en France environ deux tiers de l’eau potable distribuée. Il est donc essentiel que les collectivités locales adaptent leurs prélèvements aux capacités de recharge et à la vulnérabilité des nappes. Cela passe par la mise en place de plans de gestion concertés, le suivi en temps réel des niveaux d’eau, et la priorisation des usages en cas de tension (par exemple : priorité à la consommation humaine avant l’usage agricole ou industriel). L’entretien régulier des forages, la lutte contre les fuites sur les réseaux et la sensibilisation des habitants à une consommation plus sobre sont autant de leviers d’action.
  • Éviter la sécheresse et ses risques : pour éviter les restrictions d’usage et les coupures en cas de sécheresse prolongée, les gestionnaires doivent constituer des réserves alternatives, comme les retenues collinaires ou les interconnexions entre réseaux. Ils doivent aussi diversifier les sources (eaux superficielles, recyclage des eaux usées traitées, désalinisation en zones littorales) et renforcer la résilience du système d’approvisionnement. Les données issues des piézomètres et capteurs connectés permettent d’anticiper les baisses de niveau et d’adapter les stratégies d’alimentation en fonction des prévisions.
  • Prévenir les inondations liées à la saturation des nappes : lorsque les nappes sont pleines, notamment à la fin de l’hiver, la moindre pluie peut provoquer des débordements localisés, des remontées de nappe ou des affleurements dans les sous-sols. Ces phénomènes sont difficiles à prévoir sans une surveillance fine. C’est là qu’interviennent les systèmes d’alerte basés sur des réseaux de capteurs, couplés à des modèles hydrogéologiques. Ces outils permettent aux collectivités d’ajuster les plans de crise, de prévenir les riverains et d’organiser les relâchements contrôlés ou les actions correctives.

Les outils et matériels de gestion des réseaux d’eau et des nappes phréatiques

Enfin, la gestion intelligente des nappes nécessite une gouvernance claire et coordonnée entre acteurs : collectivités, syndicats des eaux, services de l’État, agriculteurs, industriels et citoyens. Le dialogue territorial et la transparence des données sont des conditions indispensables pour bâtir une politique de l’eau durable, équitable et efficace.

La nappe phréatique n’est pas une ressource inépuisable. En faire un pilier de la gestion collective de l’eau, c’est s’assurer de pouvoir répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre ceux de demain.

Dans cette dynamique, les collectivités, les syndicats des eaux et les exploitants s’appuient de plus en plus sur des équipements de haute précision pour surveiller, réguler et intervenir avec efficacité. Parmi eux :

Piézomètre équipé
Plateforme de supervision
NODE, pour les mesures de qualité de l'eau

L’innovation technologique joue ainsi un rôle de levier : elle permet non seulement de préserver la ressource, mais aussi d’optimiser la performance des réseaux, de réduire les pertes, et de mieux protéger les usagers et les milieux naturels.

En combinant savoir-faire terrain, expertise hydrogéologique et solutions techniques, la France se dote progressivement d’une maîtrise fine de ses eaux souterraines. Et c’est là, peut-être, l’un des piliers les plus solides d’une gestion durable de l’eau.